DE L’ÉTRANGE ET DU FAMILIER
Appartenance culturelle et affiliation linguistique en psychothérapie
Philippe Caillé 1 [1]
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Cet article paraîtra dans un numéro de Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux consacré au sujet de la psychothérapie et de la culture.
J’ai appris l’italien pour parler au Pape, l’espagnol pour parler à ma mère, l’anglais pour parler à ma tante, l’allemand pour parler à mes amis et le français pour me parler à moi-même
Charles Quint
Jeune psychiatre, j’ai quitté la région parisienne en 1962, après trois longues années passées sous les drapeaux, pour un district perdu de la côte ouest de la Norvège.
Comme il était fréquent à une certaine époque, les pouvoirs publics avaient caché dans un endroit isolé, coincé entre un glacier et un fjord, un hôpital psychiatrique de 500 lits. Pour les mêmes raisons, éviter la contamination des populations « saines », l’établissement avait précédemment été sanatorium pour tuberculeux. Je m’y trouvais, sur-le-champ et par la force des choses, conduit à y combiner les fonctions de responsable d’un service de cet hôpital à celle de médecin généraliste pour la population rurale des alentours qui dans ce district isolé n’avait pas d’autres possibilités d’aide médicale. Le poste de généraliste prévu dans les plans départementaux n’avait pas été pourvu depuis de nombreuses années.
Après quelques années dans ces conditions d’exercice aussi passionnantes qu’épuisantes, la raison me poussa, non sans regrets, à quitter ce lieu qui m’est resté très cher…