L’INSTITUTION THERAPEUTIQUE POUR ENFANTS AUTISTES ET PSYCHOTIQUES
Aux alentours des années 60, s’amorce un large mouvement qui dénonce le sort peu enviable réservé aux enfants handicapés regroupés par centaines dans de grands établissements.
Les enfants les plus atteints dans leur développement, ceux que l’on nomme aujourd’hui autistes, psychotiques et arriérés mentaux profonds, étaient indifférenciés dans la masse des autres et considérés comme inéducables et incurables ; leur admission dans l’établissement n’était pratiquement qu’un geste charitable de la société à l’égard des familles. Ce mouvement aux allures révolutionnaires aboutit à la transformation de certains grands établissements en pavillons relativement autonomes et à la création de petites institutions spécialisées où se pratique depuis lors ce que l’on appelle une psychothérapie institutionnelle. L’avènement d’une telle institution opère un bouleversement dans l’approche d’enfants réputés hier encore incurables ; l’espoir d’un changement de leur condition existe, il repose sur un ensemble de circonstances, dont les plus significatives nous paraissent être les suivantes.
1° Une pluralité diagnostique qu’inaugure Léo Kanner lorsqu’il décrit, en 1942, le syndrome autistique différenciant un certain nombre d’enfants de la masse des autres handicapés. Même si Kanner et à sa suite les neurologues contemporains font de l’autisme un trouble d’origine organique, alors que, parmi les nombreuses recherches qui tentèrent de démontrer l’hypothèse, aucune à ce jour ne permet d’établir une simple causalité organique de la maladie, il faut reconnaître au chercheur le mérite d’avoir su poser un diagnostic fondateur, à partir duquel toutes les recherches concernant l’autisme ont pu être menées.
En 1964, L.N.J. Kamp, de l’Université d’Utrecht, pratique une brèche dans l’étiologie organique de l’autisme, lorsqu’il révèle le cas de jumeaux univitellins dont l’un se développe normalement tandis que l’autre est autiste. A lui seul, ce fait réfuta l’hypothèse d’une causalité génétique et légitima celle d’une origine psychologique de la maladie, qu’on situa dans le registre des psychoses. Autour de cet “événement”, gravite un ensemble de travaux théoriques et cliniques auxquels s’attachent principalement les noms de B. Bettelheim (1950, 1969), M. Mannoni (1964, 1967), M. Mahler (1973, 1975), F. Tustin (1972), P. Aulagnier (1975), et D. Meltzer (1980). Ils ont inspiré et nourri, chacun à leur façon, une nouvelle psychothérapie.
Une troisième définition de l’enfant autiste apparut en Amérique, quand Th. Lidz (1957) avance l’idée que le sujet psychotique est essentiellement la victime d’un déséquilibre familial, et non plus la victime d’une mère “schizophrénogène”. Prolongeant cette perspective, des chercheurs tels que G. Bateson (1956), D.D. Jackson (1957, 1965), L.C. Wynne (1958), J. Haley (1959), M. Bowen (1960), R.D. Laing (1971) et les thérapeutes qui se réclament de la “pragmatique de la communication”, considéreront la schizophrénie et l’autisme comme le résultat d’une pathologie de la communication familiale. Les études de la famille du schizophrène, faites sous l’angle de l’interaction, ont largement contribué à décrire les effets de la communication humaine sur les comportements des personnes, et ces études favorisèrent l’avènement d’une nouvelle épistémologie, dite “systémique”, qui, il faut le souligner, n’a encore guère contribué à la compréhension de la famille de l’autiste. Il y a moins d’une quinzaine d’années, P. Papp nous assurait, lors d’un colloque à l’hôpital de Bertrix, que la thérapie familiale aux U.S.A. n’abordait pas la difficile problématique de l’enfant autiste. A la même époque, M. Selvini nous suggérait de placer l’autiste en institution fermée et de traiter séparément le reste de la famille ; il lui semblait inutile d’espérer modifier les comportements de l’enfant par l’action d’une thérapie familiale. C’est dire, en quelques mots, que la recherche en systémique ne s’est guère occupée de l’environnement social de l’autiste et qu’elle n’a donc pas un avis autorisé en la matière ; ceci contraste pourtant avec les “accusations” à peine déguisées de la famille de l’autiste par un certain nombre de praticiens.
En résumé, trois étiologies de l’autisme apparaissent quasi conjointement, qui correspondent respectivement à une conception biologique, à une conception psychologique (trauma) et à une conception familiale de la maladie, chacune faisant de son spécialiste le “tenant” ou le “croyant” d’une orientation particulière. L’absence de lien entre ces conceptions renvoie les spécialistes dos à dos : l’un retourne à son service de neurologie, l’autre à son divan et le troisième à son cabinet de consultation familiale. Mais cette effervescence autour de l’enfant autiste et de sa maladie engendre aujourd’hui une intéressante pluralité de recherches et d’essais de traitement, dont l’institution paraît être un creuset privilégié, où parfois se tente un essai de dialogue interdisciplinaire.
2° La création d’une nouvelle forme de psychothérapie, dite institutionnelle, conduite en pays…