Pour citer cet article : Dans Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 2010/1 (n° 44), Pages 153 à 168
Éditions De Boeck Supérieur
Par Jean-François Le Goff [1]
For the beginning is assuredly the end – since we know nothing, pure and simple, beyond our own complexities [2]
Williams Carlos Williams (1946)
À partir de ma pratique de thérapeute familial et de psychiatre de secteur dans des communes (La Courneuve et Stains) situées au nord de la banlieue parisienne, il m’apparaît important de ne pas négliger le contexte actuel de crise du système-monde. En effet, il s’agit d’une crise profonde touchant toutes les dimensions de la vie sociale et humaine, et les systèmes-famille, particulièrement les plus vulnérables, en subissent quotidiennement de lourdes conséquences sous la forme d’un processus de précarisation trop souvent négligé.
Selon le sociologue Emmanuel Wallerstein, la crise actuelle doit être considérée comme une manifestation de la phase terminale du système-monde contemporain. Ainsi, pour cet auteur, « la période qui arrive — les trente ou quarante prochaines années — sera le moment de la désintégration du système historique capitaliste. Ce ne sera pas un moment agréable à vivre. Ce sera une période noire, forte d’insécurités personnelles, de doutes sur le futur et de haines perverses. Ce sera, en même temps, une période de transition massive vers quelque chose d’autre : un système (ou des systèmes) nouveau » (Wallerstein, 1999).
Une des principales conséquences de cette crise se traduit par des processus extrêmement variés de précarisation des systèmes-famille. Cette idée va à l’encontre d’une conception classique de la précarité généralement décrite comme une trajectoire et une expérience individuelle, le plus souvent inaugurées par la rupture des liens familiaux,…