Génogrammes et entretien familial, Monica Mc Goldrick et Andy Gerson. Collection Sciences Humaines Appliquées, ESF Editeur, 1985.

1. Pourquoi des génogrammes

Un génogramme est une façon de dresser l’arbre généalogique d’une famille. Il contient des informations sur les membres de cette famille et leurs relations pendant au moins trois générations. Ils fournissent des infos graphiques de la famille et permettent d’obtenir une image rapide de modèles familiaux complexes. Ils constituent une riche source d’hypothèses sur la manière dont un problème clinique peut être relie au contexte familial ainsi que sur l’évolution à la fois du problème et de son contexte.
Il n’y a pas de principe sur la ‘bonne manière’ d’établir un génogramme et il n’existe qu’un faible consensus quant aux informations spécifiques qu’il faut rechercher, sur la manière de les enregistrer et sur leur signification. Ce livre présente donc un schéma standard des génogrammes et décrit les principes interprétatifs sur lesquels les génogrammes sont bases.
Tout comme le langage rend possible et organise notre processus de pensée, les diagrammes familiaux, qui dressent la carte des relations et des modèles de fonctionnement, peuvent aider les thérapeutes à penser de façon systémique la manière dont les événements et les relations dans la vie de leurs patients sont étroitement lies a des patterns de sante et de maladie. L’info du génogramme peut être mieux comprise d’un point de vue systémique. L’entretien pour un génogramme doit être vu comme faisant partie d’une évaluation systémique globale. Il est établit au cours de la première séance et est révisé si des nouvelles infos nous parviennent. Chaque interaction du thérapeute avec la famille influence l’entretien et par conséquent influence la prochaine intervention.
Il peut aider les familles à se voir de façon nouvelle et apparaît comme un moyen primordial d’engager les familles en thérapie. Il met le thérapeute à même de recadrer, de détoxiquer et de normaliser des comportements charges émotionnellement en créant une perspective systémique qui aide à comprendre les réponses familiales dans un espace et dans un temps définis.
L’information structurelle, relationnelle, fonctionnelle de la famille sur un geno peut être lue a la fois horizontalement a travers le contexte familial et verticalement a travers les générations. Examiner la teneur du contexte familial actuel permet au clinicien d’établir des liens qui existent entre les participants immédiats dans le drame familial, et ceux qui existent avec le système plus large et d’évaluer les ressources er les faiblesses en rapport avec la situation plus large.
Les geno sont souvent associes a la théorie de Bowen dites des systèmes familiaux. : Les problèmes et les symptômes reflètent une adaptation du système a son contexte global a un moment donne. Les efforts d’adaptation des membres du système se refletent a travers de nombreux niveaux du système, du biologique, a l’intrapsychique et l’interpersonnel, c’est à dire au niveau de la famille nucléaire et de la famille élargie de la communauté, de la culture et au delà.
Par exemple, la place dans la structure familiale peut influencer le fonctionnement, les patterns relationnels ou le type de famille que vous formerez pour la génération suivante. Walter Toman (1976) a souligne l’importance de cette place pour le profil des relations dans une fratrie et pour les caractéristiques probables de personnalité ainsi que des problèmes de compatibilités relationnelle.
Les familles se répètent. Ce qui arrive dans une génération se rejouera souvent dans la suivante, c’est à dire que les mêmes solutions sont adoptées d’une génération à l’autre bien que le comportement actuel puisse revêtir une grande variété de formes. Bowen appelait cela la transmission multi générationnelle de patterns familiaux.

2. Construction de génogrammes

Créer un génogramme implique trois niveaux : dresser la carte de la structure familiale, recueillir les informations concernant la famille, délimiter les relations familiales.

  Dresser la carte de la structure familiale
La base d’un génogramme, son épine dorsale, est une description graphique des divers liens biologiques et légaux qui unissent les différents membres entre eux et les différentes générations entre elles. Cette carte est un ensemble de figurations des personnes et des lignes représentant leurs relations.
Ex :

Homme

Femme

Les différents symboles seront donnes le jour de la présentation.
Chaque membre est représente par un carre ou par un cercle suivant le sexe, les hommes par un carre et les femmes par un cercle.
Pour la personne désignée (ou le patient identifie), autour de laquelle le génogramme est construit, les lignes sont doubles.
Pour une personne qui est décédée, une croix est mise à l’intérieur du signe. Les dates de naissance ou de décès sont notées au dessus de la figure.
Les grossesses, fausses couches, avortements et mort-nés sont indiques par d’autres symboles (cf. feuille en annexe).
Les figures représentants les membres de la famille sont reliées par des traits qui indiquent leurs liens biologiques et légaux.
Les epoux sont relies par des traits descendants qui se rejoignent, le mari place a gauche et l’épouse a droite. « M » suivi de la date indique l’année de mariage, la ligne de mariage est aussi celle ou l’on indique les séparations ou les divorces. Les traits signifient une interruption de la relation conjugale, un trait (/) pour une séparation et deux traits (//) pour un divorce.
Les différents mariages se suivent dans l’ordre, de la gauche vers la droite, le mariage le plus récent s’inscrivant en dernier lieu.
Si un couple a une liaison ou vit ensemble sans être légalement marie, leur relation est tracée comme pour un couple marie, mais on utilise une ligne pointilles. Quand un couple a des enfants, chaque figure de représentant est accrochée à la ligne qui relie le couple. Les enfants sont inscrits de la gauche vers la droite en partant de plus âge vers le plus jeune. Une ligne en pointillés est utilisée pour relier un enfant adopte ou un enfant recueilli et cette ligne le relie donc a la ligne parentale. Des lignes convergentes relient des jumeaux à la ligne parentale. Si les jumeaux sont des frais jumeaux, une barre les relie entre eux.
Des lignes en pointilles sont utilisées pour relier les membres d’une famille qui vivent sous le même toit.

  Recueillir des informations a propos de la famille

Lorsque la structure familiale est esquissée, nous pouvons ajouter des informations
• de type démographique (âge, dates de naissance et de décès, l’endroit de vie, les occupations professionnelles et niveau d’éducation)
• de type fonctionnel (fonctionnement médical, émotionnel et comportemental ex. : absentéisme, conduite alcoolique….)
• concernant des événements critiques (changements importants, changements de relation, les migrations, les échecs, les réussites)

  Indiquer les relations familiales

La troisième étape suppose qu’il faille délimiter les relations entre les membres de la famille. Nous nous basons sur le témoignage des membres de cette famille et sur des observations directes.
Différents traits sont utilises pour symboliser les différents types de relation entre les membres d’une famille. (cf. feuille annexe)

Exemple : Très proche et fusionnel

  L’entretien d’élaboration du génogramme

Le recueil d’informations pour établir un génogramme se présente souvent sous la forme d’un entretien avec la famille. Vous ne pouvez pas recueillir des informations pour le geno en faisant fi de la plainte de la famille,

L’effet Rashomon

Nous retrouvons dans les entretiens différentes versions que les membres de la famille nous proposent à partir d’un événement unique.

Mode de recueil des informations

On pourrait comparer le processus de recueil d’infos à un filet métaphorique tendu pour saisir les infos intéressantes concernant la famille et son contexte le plus large. Ce fil s’étend dans plusieurs directions :
 du problème actuel au contexte le plus large du problème
 du foyer immédiat a la famille étendue et aux systèmes sociaux plus larges
 de la situation actuelle de la famille a une chronologie historique des événements familiaux
 De questions faciles et non menaçantes a des questions plus difficiles suscitant de l’anxiété
 de faits objectifs à des opinions sur le fonctionnement et les relations existantes pour en arriver à des modèles d’hypothèses

Le problème présent et la famille vivant sous le même toit

  Qui vit sous le même toit
  Quels sont les liens qui unissent ces différentes personnes
  Ou vivent les autres membres de la famille
  Que connaissent les membres de la famille du problème
  Comment chacun l’a ressenti et y a répondu
  Quelqu’un dans la famille a-t-il eu un problème semblable
  Dans ces situations la, quelles décisions ont été prises et par qui

La situation en cours

  qu’est ce qui est arrive récemment a votre famille
  y a t il eu des changements récents dans la famille (gens qui sont partis ou nouveaux venus, maladies,…)

Le contexte familial élargi

Le but est d’obtenir des informations sur au moins trois générations, y compris les parents, grands parents, oncles, tantes, frères er sœurs, les conjoints et les enfants du patient concerne. Le niveau d’information devrait s’étendre au-delà de la structure biologique et légale de la famille et inclure les relations de concubinage, les fausses-couches, les mort-nés, les avortements, les enfants adoptes et les enfants recueillis.

Le contexte social

Investigation devrait être menée par rapport aux amis, au clergé, aux concierges, aux médecins, … qui ont été importants dans le fonctionnement familial.

La perspective historique

Examiner la famille dans une persepctive historique suppose que l’on relie passe, présent, futur et que l’on repère la possibilité pour la famille de s’adapter aux changements.

Les relations familiales et les rôles

Il est important de s’informer sur les différents types de relations que les membres entretiennent entre eux ainsi que les fonctions et les roles que chacun assume au sein de la famille.

Etablissement des priorités pour organiser l’information du génogramme

Pour suivre une règle, les donnes sont examinées de la manière suivante :
• un symptôme répétitif de patterns relationnels ou de fonctionnement releves dans la famille au cours des générations, des triangles répétés, des coalitions, des ruptures, des patterns de conflits, un sur- ou sous-fonctionnement, sont essentiels dans l’interprétation du génogramme.
• Les coïncidences de dates
• L’impact d’un changement et les transitions du cycle de vie qui se produisent en dehors du temps normal, les changements dans le fonctionnement et les relations qui correspondent a des événements familiaux critiques. Les changements hors norme du cycle de vie.

3. Interprétation des génogrammes

Chaque catégorie représente un ensemble de postulats dont chacun engendre ses hypothèses de travail pertinentes sur les modèles familiaux. Chaque catégorie peut se superposer.

  Catégorie 1 : La structure familiale

On peut émettre beaucoup d’hypothèses simplement en examinant la structure relationnelle, en incluant la composition familiale, les constellations fraternelles et les configurations familiales inhabituelles. En examinant la structure familiale seule, on peut émettre des hypothèses sur certains thèmes, rôles et relations qui peuvent être approfondies en cherchant de plus amples informations sur la famille.

  Catégorie 2 : le cycle de vie

Les âges et les dates sur le génogramme nous permettent de voir à quelles étapes du cycle de vie la famille s’adapte et si les événements et les moments où ils se produisent restent dans les marges et des délais prévus. Quand ce n’est pas le cas, les difficultés probables rencontrées dans la résolution de cette phase du cycle peuvent faire l’objet d’explorations ultérieures.
  Catégorie 3 : Modèles répétitifs à travers les générations

Un principe pour interpréter des modèles de répétitions a travers des générations, modèles répétitifs de relation, de fonctionnement ou de structure familiale, est la possibilité qu’ont ces modèles de continuer dans le présent et dans le futur. Les reconnaître permet d’aider les familles à dépasser ces modèles.

  Catégorie 4 : Le cycle de vie et le fonctionnement de la famille

Rechercher les fonctionnements critiques et les changements dans le fonctionnement d’une famille nous permet d’établir des liens systémiques entre ce qui semble être des coïncidences , et d ‘affirmer l’impact des changements traumatiques dans le fonctionnement familial et sa vulnérabilité a des stress ultérieurs, de dépister les réactions aux anniversaires et alors de tenter de comprendre de tels événements dans un contexte plus large qu’il soit social, économique ou politique.

  Catégorie 5 : Les modèles relationnels et les triangles

Le génogramme permet au clinicien de repérer l’intensité des relations dans une famille. En fournissant la structure et la position dans le cycle de vie de la famille, il permet de formuler un certain nombre d’hypothèses quant aux modèles triangulaires importants et aux frontières de cette famille. Comprendre de tels modèles triangulaires est essentiel pour planifier une intervention clinique. Detrianguler est un processus clinique important au cours duquel les membres d’une famille sont amènes à se libérer d’un modèle triangulaire rigide.

  Catégorie 6 : Equilibres et déséquilibres familiaux

La lecture du génogramme pour y déceler des modèles de contraste e d’équilibre dans la structure familiale, les rôles, le fonctionnement et les ressources permet au clinicien d ‘émettre des hypothèses sur les capacités d’adaptation de la famille face aux déséquilibres qui peuvent agresser un système.

4. Emploi clinique du génogramme

Le génogramme en thérapie familiale :

Il existe quatre principales applications :
  Engager la famille toute entière dans le processus thérapeutique
  Débloquer le système
  Clarifier les modèles familiaux et patterns
  Recadrer et assainir des comportements familiaux, ces comportements étant compris comme des réponses aux problèmes.

Souligner les raisons pour lesquelles une famille est comme elle est et ne peut changer, cela amène parfois un changement. Les patterns du génogramme sont utilises dans un modèle thérapeutique, en premier lieu pour amener une compréhension positive de la situation dysfonctionnelle présente et donc paradoxalement, défier la rigidité de la stabilité actuelle. Lorsque le changement se produit, l’information du geno est utilisée à nouveau pour renforcer les patterns émergents et pour souligner l’évolution de la famille vers la normale.

Les applications du génogramme dans la pratique médicale et familiale :

Les familles peuvent vivre à la fois un facteur de stress et un facteur d’aide au moment ou apparaît une maladie somatique. Le génogramme est un instrument crucial pour les soins de sante.
Les génogrammes utilises dans une pratique médicale peuvent suggérer qu’ils sont également utilises pour mesurer de quelles ressources le patient dispose pour l’aider face a sa maladie, quels problèmes sont du ressort de la médecine, quels stress familiaux peuvent intensifier les difficultés et quel type d’intervention psychosociale ultérieure peut être nécessaire de façon a inclure d’autres personnes dans les visites médicales suivantes.

5. L’avenir du génogramme

Trois domaines se révèlent prometteurs :
 la recherche sur le génogramme somme outil clinique
 la recherche sur des familles et sur des processus familiaux utilisant le génogramme pour l’entretien
 les génogrammes issus de l’informatique

En conclusion, les auteurs se sont efforces de montrer l’utilité des génogrammes en thérapie familiale. Leurs souhaits seraient que ces efforts servent de témoins pour un développement futur du geno à la fois comme outil thérapeutique et comme outil de recherche. Les auteurs croient que la potentialité du point de vue de la recherche du geno a été a peine effleurée. Ils voient le développement du geno comme un outil de recherche et l’informatisation du génogramme comme allant de pair pour mener tous deux a une meilleure utilisation clinique, plus vaste, ainsi qu’un savoir plus étendu.