III. LA RELATION
LA COMMUNICATION : QUELQUES REPERES
N. Favez, M. Vannotti
Résumé
La communication constitue un aspect de la relation intersubjective. D’abord la communication répond à des besoins fondamentaux : elle nous met en contact avec les autres et nous permet d’échanger, de coopérer, de rassurer et d’être rassuré sur le bien fondé de ce que nous percevons, de ce que nous croyons. Il nous a donc paru utile de résumer ici de manière condensée quelques repères autour de la communication.
En médecine, la communication verbale et non verbale est une des tâches les plus importantes et les moins étudiées. Dans la relation médecin-malade, le contexte influence de manière significative le mode et le sens de la communication. Les bases théoriques que nous esquissons ici nous paraissent être un préalable indispensable pour essayer de comprendre les messages que nous recevons et pour formuler les nôtres dans la manière la moins équivoque possible.
1. La communication comme « être en relation ».
Communiquer est fondamentalement un acte intersubjectif, qui nous relie aux autres et rend la vie sociale possible. Communiquer nous rend prévisible pour les autres et nous rend les autres prévisibles, ce qui permet d’organiser notre comportement et d’anticiper celui d’autrui.
Deux définitions de la communication peuvent être proposées comme prémisses à ce chapitre :
– « La communication est l’organisation des signes en systèmes transactionnels intégrant vision, audition, toucher, odorat et goût » (Sebeok, Hayes & Bateson, 1964).
– « La communication est l’ensemble des comportements par lesquels un groupe constitue, soutient, médiatise, corrige et intègre ses relations » (Scheflen, 1964).
Définie ainsi, la communication ne se résume pas à une intention de transmettre de l’information (intention au sens de « conscience des buts et des moyens ») ; elle aide avant tout à comprendre comme « être en relation ».
La transmission d’information au sens strict relève de théories mathématiques et ne s’applique pas telle quelle aux sciences humaines (comme celle de Shannon & Weaver, 1949) ; signifier quelque chose à autrui relève en effet d’une théorie complexe de la relation interpersonnelle.
Le média par excellence de la communication est le langage verbal, et nombres de théories linguistiques se sont attachées à décrire l’organisation et la structure des langues humaines, qui se distinguent des moyens de communication animaux par leur aspect conventionnel et arbitraire (voir par exemple Ducrot & Todorov, 1972).
Mais le langage verbal ne se suffit pas à lui-même. Il est souvent accompagné d’un co-texte, soit d’indices para-verbaux (la prosodie, la gestuelle comme les déictiques, pointer dans une direction en disant « là-bas »), et est prononcé dans un contexte, comme la relation entre émetteur et récepteur (leur proximité émotionnelle, leur hiérarchie, etc. Cosnier, 1981) qui vont moduler son sens. Dans la relation humaine, dans le face à face entre praticien et patient, la communication est multi-canale et non seulement verbale : elle implique l’ensemble du corps, les expressions faciales, les postures, les gestes, la distance adoptée, etc.
Considéré hors contexte, le langage présente une forte indétermination ; un même énoncé va prendre un sens différent selon le contexte dans lequel il est émis.
Le tutoiement n’a par exemple pas le même sens entre amis que lorsqu’il est utilisé lors d’un conflit avec quelqu’un qu’on ne connaît pas ; dans le premier cas, il marque la proximité, dans le deuxième il est une marque de mépris.
L’ironie ou la métaphore verbales repose sur une…