par Matteo Selvini
« On ne soulignera jamais assez que la thérapie (et en particulier son avenir) commence dès le premier contact téléphonique. »
Mara Selvini Palazzoli (1987, p.96)
1. Avant-propos
Depuis plus de vingt ans, j’ai expérimenté diverses procédures de prises en charge et de demandes d’aides psychothérapeutiques dans des contextes variés (Centre de Thérapie de l’Adolescence, cf Cirillo et al. 1990 -Centre Psychiatrique Ambulatoire Territorial de Corcico, cf Covini et al. 1984).
Cependant, cet article décrit essentiellement le travail mené dans un centre de psychothérapie familiale, le Nuovo Centro per lo Studio della Famiglia, fondé et dirigé pendant longtemps par Mara Selvini Palazzoli.
Dans tous ces contextes, l’une des difficultés essentielles concerne la gestion de la très fréquente absence de coïncidence entre le demandeur et le bénéficiaire : un parent ou un autre membre de la famille sollicite une intervention spécialisée pour un enfant ou un parent.
Dans la pratique psychiatrique ou psychothérapeutique, ce type de demande reçoit des réponses très différentes selon le modèle thérapeutique de référence. J’entends traiter ici les réflexions systémiques-relationnelles qu’inspire ce thème qui pèse grandement dans le choix des stratégies.
2. L’abandon de la fiche téléphonique
Lorsqu’a débuté ma collaboration avec le Nuovo Centro en 1982, toutes les communications téléphoniques concernant des nouvelles demandes de rendez-vous aboutissaient au secrétariat et étaient réorientées en fonction des disponibilités de la thérapeute responsable des premiers contacts (Guliana Prata).
Elle menait un bref entretien, remplissait une fiche téléphonique (Selvini Palazzoli et al. 1978, p.20 ; Selvini Palazzoli et al. 1990, pp.237-238) et, le cas échéant, fixait un rendez-vous avec l’une des équipes thérapeutiques.
Depuis 1985, nous continuons à recourir à la technique de la disponibilité téléphonique puisque nous considérons que le rôle de filtre d’accès au cabinet des psychothérapeutes associés et de coordinateur doit être assuré par un professionnel et non par une secrétaire.
Cependant, à partir de 1990, nous avons cessé de compléter la fiche durant l’appel téléphonique au profit d’entretiens directs de prise en charge (Selvini, 1991) fixés par l’un des professionnels après une brève conversation téléphonique qui avait lieu durant les permanences de chacun.
Dès ce moment, je suis devenu responsable des premiers entretiens avec les nouveaux usagers.
Le premier motif d’un tel changement fut initialement très concret vu que le nombre d’informations que nous estimions utiles d’avoir avant la première séance familiale (Selvini Palazzoli et al. 1988) était en constante augmentation, les échanges téléphoniques destinés à remplir la fiche devenaient de plus en plus longs, ce qui engendrait un double inconvénient :
a) la ligne téléphonique était constamment occupée ;
b) cette opération longue était gratuite (puisqu’il nous semblait peu élégant de demander des honoraires pour une première communication téléphonique).
Mais d’autres changements plus essentiels poussèrent à l’abandon de l’accueil téléphonique : nous nous dirigions vers l’établissement d’une relation de moins en moins interventionniste et combative, plus centrée sur la collaboration avec les familles.
Nous étions en effet en train d’abandonner la logique du « harponnage » des familles avec des paradoxes ou des…