Que devient l’enfant roi placé en institution pour adolescents ? Limites et ouvertures
Vincent Roosens Psychologue, thérapeute de famille au foyer de Thônex (Astural), Genève
Francis Ritz Psychiatre Thérapeute de famille, superviseur, Genève
Corinne Duclos Educatrice, directrice du foyer de Thônex (Astural), Genève
Pour citer l’article utilisez la référence suivante : Thérapie familiale, Genève, 2015, 36, 2, 245-265
Résumé
Que devient l’enfant roi placé en institution pour adolescents ? Limites et ouvertures. – L’article qui suit se veut une contribution à la compréhension du phénomène de l’enfant roi. Dans cette intention, nous nous sommes attachés à décrire une trajectoire particulière en prenant le quotidien institutionnel comme point de départ d’une recherche exploratoire. Celle-ci comprend un essai de modélisation de la problématique, une étude du milieu culturel de l’adolescent placé, ainsi que les différentes étapes d’une coopération famille-institution à rebondissement.
Nous concluons sur quelques réflexions destinées à questionner et nourrir un paradigme éducatif qui tend à s’essouffler face à ce type de prises en charge éprouvantes.
Introduction
La réflexion et l’illustration de cet article concernent les difficultés rencontrées par des éducateurs confrontés à un nombre croissant de jeunes, dont l’organisation perturbée de la pensée et des comportements empêche un travail tel qu’il a été conçu dans les écoles sociales, et tel qu’il est effectué habituellement dans les foyers ou autres institutions de placement.
Un nombre croissant de jeunes ? Ce postulat repose d’abord sur nos observations et l’expérience psycho-éducative que nous avons acquise au long de ces vingt-cinq dernières années. Il est ensuite à mettre en relation avec une transformation du rapport de l’enfant à sa famille, et plus largement à la société contemporaine, que nous discuterons dans cet article. Rendre compte de cette recrudescence est enfin battre en brèche l’argument selon lequel « on a toujours connu ça » dans le monde de l’éducation. Nous rejoignions ici clairement des auteurs tels que S. Dalla Piazza (2005), interpellé par la grande proportion de consultations
(services de santé mentale ou cabinet privé) pour le syndrome qui nous intéresse et J. Van Hemelrijck (2005) lorsqu’il soutient que le phénomène « connaît une véritable explosion ».
L’enfant roi est-il un être heureux, épanoui, car doté d’une puissance qui le placerait au-dessus de toute limite ou contrainte ? Cette appellation appelle tout de suite la précision qu’une toute-puissance ne peut se concevoir sans son revers : la toute-impuissance. L’enfant roi est ainsi autant maître en certaines circonstances qu’il ne devient, ou ne se vit, esclave en d’autres. L’étude de cas emblématique à suivre nous ouvrira à cette dramatique ambiguïté.
Il…