Paru en 1993 dans les Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 15 (211-231)
Par Matteo Selvini [1]
Mara Selvini [2]
Première partie : le travail d’équipe dans la consultation et la recherche
Historique sommaire
Dans les années 1950, Ackerman et les membres de l’équipe du « Jewish Family Services » ont commencé dans leur travail à s’observer mutuellement à l’aide d’un miroir sans tain. L’utilisation de ce dernier fut précédée de quelques expériences historiques en co-thérapie (connues également sous le nom de thérapies multiples), mises en avant par Adler en 1930, Whitaker en 1950 et Dreikurus en 1950. Plus tard, le groupe de Philadelphie a systématiquement associé la co-thérapie à l’observation directe ou à l’enregistrement vidéo, au cours des entretiens réalisés par une partie de l’équipe élargie, à des stades précis de la thérapie (Rubinstein & Weiner, 1964).
Au cours des années 50 et 60, les nombreux développements théoriques en psychothérapie familiale étaient marqués par l’utilisation d’observations et de travail d’équipe, y compris le projet de recherche de Bateson (1972), entrepris en collaboration avec Haley, Weakland et plus tard Jackson et le groupe qui pratiqua la « Multiple Impact Therapy » (MIT) (Mac Gregor et al., 1964). Un autre exemple très important de travail d’équipe fut la collaboration fructueuse de Minuchin avec Auerswald et Montalvo à l’école Wiltwyck pour jeunes délinquants à New York (Minuchin et al., 1967). En fait, ce fut Montalvo, dans un article devenu un classique du genre (Montalvo, 1973), qui établit l’immense importance de la supervision directe et du travail d’équipe, comme technique de formation des thérapeutes. La diffusion du travail de Selvini Palazzoli et de ses collègues Boscolo, Cecchin & Prata, entraîna la réapparition du travail d’équipe dans la thérapie. Avec Paradoxe et contre paradoxe (Selvini Palazzoli et al., 1975), un modèle de recherche thérapeutique et clinique basé sur la consultation de l’équipe d’observation [3]. fut largement reconnu.
Cet exemple, enrichi par de nouvelles idées, fut suivi par beaucoup, tels que Bergman, Hoffman et Papp de l’Institut Ackerman de New York. Dans les années 1980, il y eut une grande diffusion de cette méthode de travail d’équipe dans le Journal of Strategic and Systemic Therapies. Cependant aujourd’hui, au début des années 1990, il semble qu’il y ait un renversement de cette tendance dans le monde de la thérapie familiale. L’activité clinique menée par une équipe stable engagée dans une consultation d’observation directe et réciproque, et dont le but est la connaissance des mécanismes pathogènes familiaux, semble être en déclin.
Le déclin silencieux du travail d’équipe
L’institutionnalisation de la thérapie familiale tend à diminuer l’importance du travail d’équipe. Dans d’importantes conférences, les « grands » noms de la…