2. Les courants psychodynamiques
Dès 1942, T. Lidz et al. (20) ont décrit certaines caractéristiques de l’environnement familial de patients schizophrènes :
- la déprivation d’un parent avant l’âge de 19 ans par décès, divorce ou séparation ;
- l’instabilité et l’incompatibilité chronique des parents ; -*l’hostilité chronique ou de sérieures frictions entre les parents ;
- des déviations importantes dans l’éducation par rapport aux normes culturelles ;
- des antécédents de maladie mentale dans la famille.
Les patients apparaissent écrasés par des forces intrafamiliales aversives qui interfèrent avec leurs tentatives de maturation personnelle.
En explorant les modes d’organisation psychique des proches de patients schizophrènes, T. Lidz et son équipe ont mis en évidence l’importance des sentiments de culpabilité, des troubles du cours de la pensée, de phénomènes projectifs et irrationnels, des défaillances et des confusions de l’identité sexuée. Par ailleurs, le couple parental apparaît gravement désorganisé ou disloqué, soit sous la forme de relations tordues, soit sous la forme de clivages ou de ruptures (T. Lidz, 20, 21).
On peut distinguer deux orientations possibles des thérapies familiales psychodynamiques :
– l’orientation qui cherche à reproduire les conditions de la cure psychanalytique classique à l’approche de la famille ;
– et l’orientation qui tire parti des apports de la démarche psychanalytique, en l’articulant, de manière plus ou moins vaste, aux apports de la cybernétique, de la sémiotique, de la théorie des systèmes.
a. La psychanalyse familiale
Issus du courant français de psychanalyse groupale, certains auteurs (P.-C. Racamier, S. Decobert, D. Anzieu, A. Ruffiot, 1981) ont cherché à promouvoir un modèle de thérapie familiale psychanalytique, voire de psychanalyse familiale.
La famille est alors appréhendée à partir de la théorie d’un appareil psychique familial, agencé selon divers régimes de fonctionnement (perception-conscience, préconscient, inconscient), à partir d’organisateurs groupaux (l’illusion groupale, les imagos maternelle et paternelle, et les fantasmes originaires de la vie intra-utérine, de séduction, de la scène primitive, de castration), contribuant à la réalisation de relations à l’objet-groupe (D. Anzieu, in A. Ruffiot et al, 1981).
Les processus en souffrance dans les familles confrontées à la psychose se traduisent par l’indifférenciation des sexes et des générations, l’existence de d’une psyché groupale archaïque indifférenciée et de transferts éclatés.
Les techniques thérapeutiques reposent sur le recours aux associations libres, au principe de la règle d’abstinence, aux processus d’interfantasmatisations, à la sollicitation des activités oniriques (A. Eiguer, A. Ruffiot, 1981). Dans les faits, des aménagements sont envisagés par rapport à ces règles-types. Il s’agit de respecter la lenteur des processus de maturation et de différenciation, et de solliciter l’émergence de la subjectivité et l’accès à la parole, source de symbolisation.
b. La thérapie familiale psychodynamique
Nathan Ackerman est le pionnier de l’approche psychodynamique de la vie familiale. L’inter-relation entre le comportement individuel et le comportement familial nécessite d’être appréhendé dans trois dimensions :
(1) la dynamique de groupe de la famille ;
(2) les processus dynamiques d’intégration émotionnelle de l’individu dans son rôle familial ;
(3) l’organisation interne de la personnalité individuelle et son développement historique.
C’est ainsi que les troubles de la personnalité et les perturbations de l’adaptation sociale d’une personne adulte sont mieux compris s’ils ne sont pas conçus de manière isolée, mais plutôt comme un pattern dynamique de changement, continuellement influencé par les effets réciproques de l’interaction familiale (N. Ackerman, 1958, p. 24).
Chaque membre de la famille est amené à s’impliquer dans de multiples rôles personnels et dans des rôles extra-familiaux. Pour Nathan Ackerman, des types de personnalité distincts n’exécutent pas le même rôle de la même manière avec les mêmes effets. Une personnalité normale est susceptible d’une certaine flexibilité dans l’intégration des rôles sociaux, même si une telle intégration peut s’accompagner de vécus conflictuels. La personnalité hystérique ou paranoïaque permet…