L’expérience plurielle de la maladie chronique Maladie pulmonaire et famille
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Marco Vannotti et Michèle Célis-Gennart
« Il se pourrait que, parmi les manifestations corporelles de la maladie, seules importent celles qui exercent une action Spécifique sur I ‘humain, dans /’homme, tandis que le dommage occasionné par une perte irréparable de cellules et de tissus serait passablement accessoire. »
“V. von Wejzsàcker (1986)”
1. Introduction
Alors que l’espérance de vie a augmente ces dernières décennies, le nombre de patients souffrant de maladies chroniques a aussi augmenté et va continuer d’augmenter (The World Health Report, 1997).
Ces patients chroniques exigent que l’on adapte le plus efficacement possible les ressources du système de santé à leurs besoins (Berwjck et aI., 1990).
C’est pourquoi une conceptualisation claire d’un mode d’approche des maladies chroniques devient l’un des devoirs urgents de la médecine d’aujourd’hui A cet égard, le fait que le modèle biomédical ait remporté de larges succès dans la pratique n’exclut pas que certains objectifs dans le domaine de la santé doivent se concevoir suivant une dimension plurielle, en référence à d ‘autres paradigmes de soins (Heflstrom et al., 1998).
Un paradigme culturel largement partagé par les professionnels de la santé postule que l’essentiel de la maladie doit être repéré au niveau d’un dommage biologique. Ce paradigme incline à considérer la maladie comme une altération du corps ou de l’esprit d’un individu, indépendamment de son histoire, indépendamment de son réseau d’appartenance et des caractéristiques du réseau de soins auquel il a accès. Nous opposons à ce paradigme une réflexion qui s’inscrit dans la lignée de l’approche bio-psycho-sociale et de la pensée systémique, lesquelles visent à prendre activement en compte la complexité de la maladie.
L’installation de la chronicité se répercute en effet à différents niveaux de la vie biologique, psychologique et sociale du sujet - l’un des risques étant que l’ altération de l’état de santé provoquée par la maladie porte une atteinte durable ou définitive aux compétences familiales du patient (Vannotti & Célis-Gennart, 1997).
I1 importe dès lors d’élargir le champ d’investigation et d’intervention de la médecine somatique par une approche qui inclut les théories psychosociales de la maladie (Janz et al. 1984 ; Katon et al., 1994 ; Ke)ley, 1972 ; Lazarus, 1966).
Ces dernières intègrent des variables relatives
– à l’histoire des patients,
– aux représentations de la maladie,
– aux émotions et aux stratégies d’adaptation, pour comprendre la manière dont les patients vivent leur affection.
L’histoire de la famille, les relations passées et actuelles contribuent elles aussi, à différents degrés, à façonner l’aptitude du patient à faire face à la maladie, et interfèrent avec l’accès aux soins. Estimer l’impact que les maladies chroniques ont à l’intérieur de la famille et évaluer de manière nuancée les particularités individuelles et les interférences familiales, exige dès lors la mise en place d’un cadre conceptuel complexe (Tanseila, 1995).
Un tel cadre devrait éviter…